Deux étudiantes du CHRS, Amélie Grenier et Caroline Robert, toutes deux candidates à la maîtrise, organisaient le 25 novembre dernier à l’UQAM, un atelier discussion autour de la conférence « Vice and Drugs in Montreal », prononcée en janvier 1923 par A.K. Haywood devant le Canadian Club à Montréal. L’évènement attira un large auditoire composé d’étudiants et de membres du corps professoral. La participation active de l’assemblée à la discussion a permis un riche dialogue sur les thématiques liées au « vice » et au « crime » dans la société montréalaise du début du XXe siècle.
La discussion s’est organisée autour du texte de la conférence prononcée par Haywood, surintendant du Montreal General Hospital de 1917 à 1930 et membre du Comité des Seize, groupe de réformateurs sociaux montréalais. Il y dénonçait le problème grandissant des consommateurs de drogues récréatives à Montréal et accusait le quartier du Red light et les prostituées d’en être les principales distributrices et consommatrices, en plus d’être la cause de la propagation de maladies vénériennes. La solution qu’il proposait était donc de fermer ce quartier. Finalement, la question qui a émergé à la suite de la lecture du texte résidait dans l’absence du rôle de l’alcool et de l’alcoolisme comme facteurs contribuant à la « dégradation sociale » de la métropole dénoncée par Haywood.
La journée d’étude s’est ensuite poursuivie avec les présentations des deux étudiantes à la barre de la journée. D’abord, Caroline Robert, qui dans le cadre de son mémoire de maitrise étudie le second mouvement de tempérance au Québec, exposait brièvement le contexte et les discours de ce mouvement entre 1880 et 1922 dans sa communication intitulée : « Le second mouvement de tempérance au Québec». Elle présentait aussi la construction du discours sur l’alcoolisme autour des notions de pauvreté, du crime et de la dégénérescence nationale. Cette dernière soulignait que jusqu’au début des années 1920 l’alcool et l’alcoolisme étaient représentés comme la pire des plaies sociales. Amélie Grenier présentait, quant à elle, la mise en place d’un système de régulation des consommateurs de drogues récréatives à Montréal dans « ‘’Si le vice mortel s’attaque à ce qu’on appelle les classes dirigeantes c’est la fin de tout’, les origines de la guerre à la drogue à Montréal, 1920-1929 ». Elle montrait les effets de la « panique morale » autour de la consommation de drogues non-médicales dans la mise sur place d’un système de contrôle des toxicomanes et des trafiquants. Ainsi que la construction d’un discours anti-drogue autour de la peur de la dégénérescence sociale.
À la suite de ces présentations, le président de séance Donald Fyson (Université Laval), membre du CHRS, a organisé la période de questions. Le profil éclectique de l’assistance a permis d’aborder ces thématiques sous différents angles : traitement de ces problématiques dans les livres scolaires, dans les cercles médicaux et dans les groupes de femmes notamment. La question du déplacement de l’alcool vers la drogue comme étant le vice le plus dangereux a soulevé quelques interventions intéressantes. Dans l’ensemble les prises de parole sur cette question ont démontré que le déplacement observé semblait être motivé par une prise en charge de l’État de la régulation de l’alcool, mais aussi par une prise de conscience de l’élite, des marges de la société (entendu comme les pratiques moins courantes dans les mœurs) comme élément plus dangereux à contrôler. L’heure d’échange entre les participantes et l’assistance ont permis d’approfondir davantage cette thématique du vice et du crime ainsi que le texte d’Haywood, tout en fournissant de nombreuses pistes de réflexion pour des projets futurs, tant aux participantes qu’à l’auditoire.