Chercheuse membre du CHRS depuis 1998, Janice Harvey possède une expertise unique en matière d’institutions charitables anglo-protestantes, particulièrement en ce qui a trait au rôle des femmes au sein de ces réseaux. Elle vient de publier Their Benevolent Design: Conservative Women and Protestant Child Charities in Montreal (McGill-Queen’s University Press, 2024).
Tout au long du 19e siècle, l’assistance aux pauvres au Québec est privée et sectaire. À Montréal, les femmes bourgeoises protestantes établissent des institutions charitables pour venir en aide aux femmes et aux enfants démunis. Their Benevolent Design explore le fonctionnement de deux de ces institutions: le Protestant Orphan Asylum et la Montreal Ladies’ Benevolent Society.
L’ouvrage met en lumière des aspects peu connus de la réponse aux inégalités sociales et examine l’impact du libéralisme sur l’évolution des attitudes à l’égard de la pauvreté et de la bienfaisance. Considérant la charité comme un devoir de classe, les femmes de l’élite ont structuré leur projet charitable autour de la protection, du salut religieux et de la régulation sociale des enfants pauvres. Janice Harvey étudie comment ces femmes philanthropes ont surmonté les contraintes des conventions sociales imposées aux femmes dans la société bourgeoise, comment les directrices des institutions charitables ont conçu et mis en œuvre l’aide institutionnelle et comment cette aide a été utilisée par les familles et vécue par les enfants. En suivant le développement des institutions charitables tout au long du 19e siècle jusqu’au début du 20e, le livre explore les conflits entre ces institutions et d’autres services sociaux, notamment ceux qui préconisaient le placement familial et la charité dite scientifique. Les années 1920 marquent un changement social majeur dans la façon dont la pauvreté des enfants est prise en charge dans le Montréal protestant.
Malgré les obstacles sexospécifiques auxquels sont confrontées les femmes dans les institutions charitables, Their Benevolent Design célèbre l’ingéniosité et l’indépendance remarquables d’un groupe de femmes canadiennes qui ont contribué à façonner l’aide sociale et à améliorer les sombres réalités des enfants pauvres.