Crime et média. Le corps exhibé et morcelé. De la scène de crime au prétoire (1880-1940)

Conférence de Frédéric Chauvaud

Mercredi 10 mai à 14h

Local A-6290, UQAM

Des années 1880 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, le procès pénal a colonisé l’imaginaire de la société. En effet, les chroniqueurs judiciaires inventent une nouvelle manière de rendre compte du crime et des audiences. Ils ne se contentent plus de sténogrammes, mais veulent faire partager l’intensité des débats et l’horreur du crime. Pour leurs lecteurs, ils font revivre les violences corporelles. Ils n’héritent pas à donner de longues descriptions de cadavres. Le lectorat n’ignore rien des abdomens éventrés, des pièces anatomiques et du sang répandu. Les « tribunaliers » restituent à la fois les éléments clés figurant dans l’acte d’accusation, dans l’interrogatoire des accusés, mais surtout dans les témoignages des experts judiciaires. Ils n’oublient pas d’évoquer la table des pièces à conviction.

Dans le même temps, tout un imaginaire morbide, par le biais des caricaturistes, familiarise les lecteurs avec l’autopsie judiciaire, au moins jusqu’à la Première Guerre mondiale. Les dépouilles mortelles abondent et servent de prétexte pour se moquer de la mort, des hommes de sciences, mais aussi de certaines personnalités politiques. Après 1918, la chronique judiciaire poursuit sa mue, mais seules quelques grandes plumes sont connues du public et règnent sur les cours d’assises.  De nouveaux quotidiens, en particulier Détective, né en 1928, offrent ainsi un complément aux comptes-rendus de procès tout en proposant un nouveau regard sur le cadavre par l’entremise de la photographie. Histoire matérielle et histoire de l’imaginaire se conjuguent pour comprendre et penser le corps exhibé et morcelé.

Frédéric Chauvaud est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Poitiers. Considéré comme spécialiste de l’histoire de la violence, du crime, de l’expertise et du corps au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe siècle.

L’affiche de l’événement

Quelques Références bibliographiques de Frédéric Chauvaud sur le sujet de la conférence:

  • Histoire de la haine. Une passion funeste, 1830-1930, Rennes, PUR, coll. « Histoire », 2014, 330 p.
  • avec Lydie Bodiou, Marie-José Grihom, Ludovic Gaussot et Myriam Soria (dir.), Le corps en lambeaux. Violences sexuelles et sexuées faites aux femmes, Rennes, PUR, coll. « Histoire », série « Justice etdéviance », Préface de Catherine Coutelle, Postface de Michelle Perrot, 2016, 415 p.
  • avec André Rauch et Myriam Tsikounas (dir.), Le sarcasme du mal. Histoire de la cruauté de la Renaissance à nos jours, PUR, coll. « Histoire », série « Justice et déviance », Avant –propos de Georges Vigarello, Ouverture d’Alain Corbin, 2016, 364 p.
  • avec Lydie Bodiou et Myriam Soria, Les Vénéneuses. Figures d’empoisonneuses de l’Antiquité à nos jours, Rennes, PUR, série « Justice et déviance », 2015, 425 p.
  • (en codir. avec François Dubasque, Pierre Rossignol et Louis Vibrac), Les vies d’André Léo. Romancière, féministe et communarde, Rennes, PUR, coll. « Archives du féminisme », 2015, 353 p.
  •  (en codir. avec Arnaud-Dominique Houte), Au voleur ! Images et représentations du vol dans la France contemporaine, Paris, Publications de la Sorbonne, 2014, 323 p.
  •  (en codir. avec Lydie Bodiou et Myriam Soria), Le corps empoisonné. Pratiques, savoirs et imaginaire de l’Antiquité à nos jours, Paris, Classiques Garnier, 2014, 534 p.  
  • (en codirection avec Pierre Prétou), Clameur publique et émotions judiciaires, de l’Antiquité à nos jours, Rennes, PUR, 2013, 313 p. 
  •  « L’expertise ou l’art d’administrer les preuves au tournant du siècle », dans Denis Salas (dir.), La cour d’assises. Actualité d’un héritage démocratique, Paris, La documentation française, coll « Doc’ en poche. Regard d’expert », 2016, p. 227-246.