Pratiques de gestion et discours sur l’économie. Les collèges québécois dans la transition au capitalisme.

 

Organisme(s) subventionnaire(s)

Gouvernement du Canada : Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH)

Années

2009-2012

Chercheur(s) CHRS

Louise Bienvenue
Ollivier Hubert

Autre(s) chercheur(s)

Christine Hudon

 

Ce projet s’inscrit dans le prolongement des recherches sur les collèges catholiques québécois pour garçons que nous menons depuis quelques années. Il vise à analyser les modes d’administration ainsi que les effets financiers, sociaux et culturels de ces institutions. L’étude couvre tout le XIXe siècle, une période marquée par la mise en place progressive d’un réseau d’enseignement secondaire appelé à perdurer jusqu’à la Révolution tranquille. À partir des archives économiques des établissements scolaires, nous souhaitons réfléchir à la manière dont ces institutions ont répondu et participé aux transformations de l’économie québécoise et négocié la transition au capitalisme industriel.
De façon plus précise, nous poursuivons cinq objectifs spécifiques : (1) analyser les modalités concrètes de gestion financière des établissements; (2) identifier les diverses stratégies de financement auxquelles les collèges, corporations privées largement autonomes par rapport à l’État comme par rapport aux Églises diocésaines, ont recours; (3) préciser la nature des rapports économiques liant la maison d’éducation et les familles et décrire les moyens de recrutement mis en œuvre par ces établissements; (4) considérer l’impact du collège, employeur et acheteur de biens et de services, sur les économies locales; et enfin (5) déterminer et classer les différentes catégories de discours produits par les collèges à propos du fait économique. Quatre maisons d’enseignement retiendront notre attention : le collège des sulpiciens de Montréal, le collège Saint-Charles-Borromée de Sherbrooke, ainsi que le collège Sainte-Anne et l’École d’agriculture de La Pocatière, deux établissements étroitement liés l’un à l’autre. Les données qualitatives et quantitatives tirées de leurs archives seront croisées pour établir leurs spécificités et pour tenter de dégager ce qu’il y a de commun dans leurs logiques administratives et leurs discours sur l’économie.

Dans ce projet, nous faisons l’hypothèse que l’évolution de l’offre et de la demande constitue un facteur important de l’histoire financière et administrative des établissements d’enseignement. Cette hypothèse suggère que, dans une situation où les collèges sont de plus en plus nombreux, chacun cherche de manières diverses à répondre aux attentes des familles. Ces dernières doivent considérer comme avantageux un transfert d’une partie de leurs ressources financières en capital culturel. Les établissements devront toujours travailler à les convaincre de la valeur de cette transaction. Contraints de limiter l’augmentation des pensions pour rester concurrentiels, ils feront usage de stratégies diverses pour couvrir les dépenses d’investissement.

Une connaissance plus fine de la gestion des collèges permettra de jeter un éclairage original sur l’histoire de l’éducation au Québec en enrichissant, d’une part, nos connaissances sur l’histoire des institutions postprimaires et en contribuant, d’autre part, à une histoire socio-économique des établissements scolaires au XIXe siècle. La recherche permettra de mieux comprendre la relation qu’entretiennent les collèges avec les autorités cléricales et étatiques et à mieux établir la distribution des responsabilités entre l’Église et l’État en matière d’éducation. Enfin, au-delà de l’analyse de la proportion des sommes privées et publiques investies, l’étude reprendra le questionnement amorcé entre autres par Charland à la fin des années 1980 à propos de l’orientation idéologique du système d’éducation. Dans le contexte d’un XIXe siècle secoué par toute une série de débats éducatifs et marqué par un processus de « cléricalisation » du système, nous nous interrogerons sur les visées des programmes de formation mis en place au sein des collèges et sur les intentions des fondateurs. Inscrivant ainsi nos travaux dans l’historiographie récente, nous tenterons de voir dans quelle mesure l’éthique libérale s’immisce graduellement au sein même d’institutions qu’on présente souvent comme la pépinière du clergé.