Organisme(s) subventionnaire(s)
CRSH
Années
En cours (2013-2017)
Chercheur(s) CHRS
Autre(s) chercheur(s)
Eric Reiter
La recherche, qui relève simultanément de l’histoire sociale et de l’histoire du droit, vise à reconstituer l’expérience de la justice tant civile que criminelle par les familles québécoises durant une époque cruciale de la formation des sociétés modernes, soit la transition au capitalisme industriel (1840-1920). Ce projet ajoutera de manière significative à la compréhension d’une problématique centrale en histoire, celle des modalités et de l’évolution des rapports entre sphère privée et pouvoir étatique. Les chercheurs tiendront compre autant des réalités familiales présentes dans les recours aux tribunaux que de la construction des rôles familiaux opérée en retour par les décisions des magistrats, notamment en regard de la condition sociale, du sexe et de l’âge des justiciables. En somme, ils chercheront à saisir comment, à cette époque, les familles investissent et sont investies par l’appareil judiciaire, ce mode spécifique de régulation sociale.
Trois objectifs spécifiques seront poursuivis :
1. Mettre en lumière les enjeux matériels et symboliques des litiges et conflits qui font en sorte que les familles ou certains de leurs membres se retrouvent devant les tribunaux. La reproduction sociale des familles, les rôles différenciés des individus au sein de l’économie familiale, tout comme l’honneur et la moralité sexuelle, sont quelques-uns des phénomènes que les chercheurs désirent examiner de plus près sur ce plan.
2. Élucider, dans une optique proprement institutionnelle, la manière dont ces problèmes, vécus au départ dans les espaces privés et domestiques, accèdent à l’enceinte du tribunal, espace public de résolution des litiges et de sanction de la déviance. Les ressources des justiciables, de même que l’accessibilité de l’appareil judiciaire, ses procédures et le travail de ses représentants recevront une attention particulière des chercheurs.
3. Analyser la façon dont les magistrats interprètent, arbitrent et répriment les situations conflictuelles ou déviantes mettant en scène les familles et leurs membres. Les modalités des décisions des magistrats et surtout leurs effets seront au coeur de l’enquête des chercheurs, puisque les jugements rendus au civil et au criminel peuvent avoir des conséquences considérables sur le parcours des individus et groupes familiaux concernés.
Les chercheurs tenteront d’identifier les réalités et pratiques familiales qui restent distinctes des axes clés du discours libéral ou qui s’en imprègnent au cours de la période considérée (1840-1920). Plus particulièrement, si les modes juridiques d’exercice du pouvoir étatique portent la marque de l’influence du libéralisme et du capitalisme, en quoi les problèmes des familles, leur usage des tribunaux et les décisions de ceux-ci témoignent parfois d’une coexistence entre logiques sociales différentes? L’hypothèse de l’équipe de chercheurs en la matière est que certaines dynamiques familiales aux origines fort anciennes, comme celles de l’honneur, du maintien de la lignée et de la force et de la puissance paternelle, pour ne nommer que ces exemples, peuvent souvent entrer en contradiction avec l’idéologie libérale fondée sur l’autonomie individuelle.