Entretien avec Brian Young

Brian Young est historien, professeur émérite en histoire canadienne à l’Université McGill, et l’un des membres fondateurs du Groupe d’histoire de Montréal. Ses recherches sont concentrées sur le Québec du 19e siècle dans une perspective d’histoire culturelle, sociale et légale, et s’intéressent particulièrement aux hiérarchies de classe, de genre et d’ethnicité. Il a accordé un entretien à Cory Verbauwhede, membre étudiant du CHRS.

Cory Verbauwhede (CV) : Parlez-nous un peu de votre parcours comme historien.

Brian Young (BY) : Je suis à la retraite depuis plus de quatorze ans déjà. Né au Manitoba et éduqué dans une banlieue torontoise et à l’Université de Toronto, je fais partie des historiens et historiennes anglophones qui ont fait du Québec leur sujet, et qui ont écrit essentiellement en anglais.

Cela peut sembler étrange pour un.e Québécois.e, mais c’est Pierre Elliott Trudeau qui m’a attiré vers le Québec! C’est en effet lui qui m’a fait réaliser que je ne comprenais pas l’histoire québécoise, et à quel point ma faiblesse en français était un handicap. Évidemment, sa réputation peu favorable au Québec est en grande partie justifiée par son implication dans la crise d’octobre 1970, le référendum de 1980, et l’élaboration de la constitution de 1982.

Après avoir complété mes études de premier cycle à l’Université de Toronto et ma maîtrise à l’Université Queen’s, j’enseignais dans une école secondaire à Ottawa, à quelques pas du parlement, lorsque Trudeau est devenu le chef du Parti libéral en 1968 et, ultérieurement, premier ministre. C’est sûr qu’il a paru, pour une certaine tranche sociale-démocratique ontarienne, comme un intellectuel dynamique et progressiste. Ses études à Harvard, à l’Institut d’études politiques, à la London School of Economics et en droit lui ont permis de jouer un rôle clé dans les luttes autour de la grève de l’amiante, des droits linguistiques et des droits de la personne. Encore aujourd’hui, j’associe son premier gouvernement avec la loi « omnibus » qui a modifié le Code criminel concernant l’homosexualité, l’avortement et la contraception. Et en 1972, son programme de multiculturalisme a servi à remettre en question « l’anglo-saxonisme » de ma banlieue torontoise.

Par ailleurs, j’ai été frappé par le fait que comme enseignant dans un quartier biculturel d’Ottawa, je n’étais pas en mesure d’interagir avec certains des parents, ne parlant pas leur langue. C’est au même moment que la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme soulevait l’enjeu de la place des Canadien.ne.s français.e.s au sein du Canada. Cela a été une incitation déterminante à m’intéresser au Québec et à apprendre le français.

Déçu par ma carrière de prof au secondaire, j’ai commencé un doctorat à l’Université Queen’s en 1968. Mon expérience à Ottawa m’a donc amené à changer d’orientation. J’ai été, jusqu’alors, un historien de la droite ontarienne des années 1930; au doctorat, je me suis « recyclé » en historien du Québec du 19e siècle. Ma thèse portait sur le rôle social et économique du chemin de fer sur la rive nord du Saint-Laurent, The North Shore Railway.

Mon premier emploi comme universitaire a été à l’Université du Vermont. J’y ai enseigné de 1970 à 1976, une période troublée aux États-Unis, en raison de la guerre au Vietnam. Tant les milieux académiques du Vermont que ceux de Montréal étaient alors dans une ébullition marxiste-progressiste. Bernie Sanders était le maire de Burlington et sur le campus il y avait des manifestations contre la guerre. Ce genre d’événements, l’influence d’excellents collègues en Nouvelle-Angleterre, ainsi que la lecture d’intellectuels comme Marx et Gramsci, m’ont éloigné encore plus du moule conservateur et méthodiste de mes origines ontariennes et manitobaines. Si je devais citer un historien et une œuvre qui pendant cette période ont défini ma vision du métier d’historien, je citerais Edward Thompson et son William Morris: Romantic to Revolutionary.

Je suis arrivé à Montréal et au département d’histoire de McGill en 1976. Mon premier semestre d’enseignement a coïncidé avec la prise de pouvoir du Parti québécois de René Lévesque. J’ai assisté à la célébration de sa victoire dans l’aréna Maurice-Richard. C’était passionnant d’être à Montréal pendant ces années-là! C’était une période forte de la social-démocratie, d’un mouvement nationaliste et progressiste, et de la deuxième vague du féminisme.

Au cours des années, j’ai développé une identité profondément enracinée de Montréalais et, professionnellement, celle d’un historien se concentrant de plus en plus sur l’histoire de Montréal. Mes liens avec le reste du Canada se sont distendus. J’étais à l’aise dans mon identité d’Anglo-Montréalais.  

CV : Vous êtes l’un des fondateurs du Groupe d’histoire de Montréal. Pourriez-vous nous en dire quelques mots?

BY : Le Groupe de recherche sur l’histoire des milieux d’affaires de Montréal (the Montreal Business History Group) a été fondé à McGill en 1976 par Richard Rice, Robert Sweeny et moi-même. Sweeny, qui a fait sa maîtrise avec Alfred Dubuc à l’UQAM et son doctorat avec Rice à McGill, a joué un rôle central dans le développement de notre méthodologie, de notre approche pédagogique et de nos choix de documents de recherche, surtout les archives notariales. Dans ces années de chauds débats autour de la question nationale, de la loi 101 et du référendum de 1980, le Groupe, basé dans une université anglophone, a insisté sur la place centrale du français comme langue de travail et comme langue nationale du Québec.

Dans les premières années, notre problématique était centrée sur la transition de Montréal, tout au long du 19e siècle, d’une économie préindustrielle à une économie capitaliste. Fortement influencés par le mouvement britannique du History Workshop dans notre organisation comme collectif, dans notre programme de recherche et dans notre approche pédagogique, nous nous posions diverses questions : Quelle était notre place en tant que collectif socialiste au sein d’une université néolibérale? Comment assurer l’égalité de nos membres étudiant.e.s et professeur.e.s? Devions-nous assumer la publication de nos travaux à l’interne ou nous adresser à des éditeurs professionnels? En tant qu’universitaires, quels devaient être nos liens avec les groupes populaires?  Devions-nous avoir une problématique commune?  

La composition du groupe et nos approches méthodologiques étaient en constante évolution. En 1989, le collectif s’est restructuré comme Groupe d’histoire de Montréal/Montreal History Group et les engagements féministes ont pris place à côté de nos autres principes, soit le socialisme et le travail collectif. Nous nous sommes de plus en plus intéressés à d’autres sources que les archives notariales, comme les archives judiciaires et culturelles. À mon grand contentement, nous n’avons jamais créé de centre avec une structure rigide. L’administration de McGill n’a accordé que peu d’importance à nos activités. En même temps, le GHM était bien placé pour obtenir des subventions d’équipe, notamment celles du « FCAR » (devenu le Fonds de recherche du Québec – Société et culture). Cependant, l’importance que nous donnions à la recherche collective était souvent mal notée par les organismes subventionnaires fédéraux, qui privilégiaient les approches individuelles. 

CV : On sent un changement de méthodologie, vers une histoire plus culturelle, qui correspond plus ou moins avec le changement de nom du GHM.

BY : Après la publication de ma thèse, je me suis intéressé à la forme biographique : j’ai entrepris une étude sur George-Étienne Cartier en tant que politicien montréalais proche des intérêts des propriétaires. À la suite de la publication de George-Étienne Cartier: Montreal Bourgeois en 1981, mes travaux peuvent être qualifiés de structurels et déterministes. Ils montraient l’influence de Marx sur ma compréhension de la classe, des cycles capitalistes et de l’aliénation, et celle de Foucault sur ma vision des institutions et de la périodisation. Cette historiographie a fortement marqué In its Corporate Capacity: The Seminary of Montreal as a Business Institution (1986) et The Politics of Codification: The Lower Canadian Civil Code of 1866 (1994). 

Les années 1990 ont été un tournant. Elles ont été marquées pour moi par des nouvelles perspectives sur les questions de genre, de la famille, et sur l’histoire légale et culturelle. À cet effet, le livre Family Fortunes de Leonore Davidoff et Catherine Hall, qui traite de l’histoire de la famille Cadbury en Angleterre, peut être considéré comme un modèle de l’étude de la bourgeoisie. Je pense également à l’œuvre de Robert Morris, mon cher ami de l’Université d’Édimbourg, dont les travaux sur la classe, les associations et l’urbanisation m’ont beaucoup influencé. Le GHM, avec son aire ouverte, ses lunchs et ses Jeudis d’histoire, a toujours nourri mes réflexions sur l’historiographie, les sources et la méthodologie. Dans les années 1980 et au début des années 1990, des féministes comme Bettina Bradbury, Denyse Baillargeon, Andrée Lévesque, Suzanne Morton et d’autres se sont jointes au Groupe. À cette époque, mon amitié avec Jean-Marie Fecteau a été précieuse : nos intérêts de recherche et d’historiographie se rejoignaient. Par ailleurs, les travaux de Bettina Bradbury sur les veuves, le droit et la culture ont beaucoup enrichi ma réflexion. 

CV : Pourriez-vous nous présenter quelques-unes de vos recherches dans cette veine?

BY : Je vais vous parler de trois livres qui vous donneront une bonne idée de la teneur de mes recherches pendant ces années : Le McCord. L’histoire d’un musée universitaire (1921-1996), Une mort très digne. L’histoire du cimetière Mont-Royal et Brève histoire socio-économique du Québec, un manuel d’histoire destiné aux élèves anglophones de quatrième année du secondaire au Québec.

The Making and Unmaking of a University Museum. The McCord, 1921-1996

Mon implication au Musée McCord a, dans les années 1990, marqué un tournant pour moi en tant qu’historien. Pour un historien travaillant sur Montréal, ses collections sont des joyaux. Ma recherche dans les superbes archives du musée et ma participation au conseil d’administration m’ont permis de voir le musée comme un témoin vital et essentiel de la culture matérielle de Montréal. J’ai pu, entre autres, mesurer le rôle central du conservateur dans un musée. Dans mon enseignement, j’ai utilisé les archives et la bibliothèque du musée pour y tenir des séminaires. Plusieurs excellentes thèses en ont découlé. 

Puis, un nouveau directeur sans véritable formation en histoire est arrivé au musée, et a procédé à des coupes budgétaires en éliminant des postes d’archivistes et de conservateurs. Les luttes politiques pour préserver l’essence du musée au sein de l’université (qui est propriétaire de ses collections) et au sein de la communauté universitaire, n’ont malheureusement pas abouti. Que faire? Malgré ma réticence par rapport à « l’égo-histoire » rendue célèbre par Pierre Nora et à la démarche de l’historien faisant sa propre psychanalyse, j’ai rédigé Le McCord: L’histoire d’un musée universitaire (1921-1996), un livre qui traite à la fois de l’histoire de l’institution et de mon propre parcours en son sein. C’était ma façon de comprendre le processus historique dans lequel je m’inscrivais, l’histoire des collections, et les interactions entre musée, État et université. Le livre a connu un certain succès, surtout dans le milieu des jeunes muséologues. 

Respectable Burial: Montreal’s Mount Royal Cemetery

Lors de la rédaction de Diverse Pasts: A History of Quebec and Canada, un manuel scolaire corédigé avec John Dickinson, on a dû concevoir une série d’exercices pour les étudiantes et les étudiants, parmi lesquels figurait la recherche dans leur cimetière local de tombes de militaires, de premiers ministres et autres. Cette démarche a attiré l’attention des dirigeants du cimetière Mont-Royal qui m’ont demandé de rédiger l’histoire du cimetière, parue sous le titre Une mort très digne. L’histoire du cimetière Mont-Royal. C’était une autre occasion de lier le passé et le présent et de m’impliquer en tant qu’historien dans une institution sociale : le cimetière protestant. Le cimetière, une corporation privée à but non lucratif, était géré par un conseil d’administration dont les membres représentaient les principales églises protestantes.

Par-delà une description de l’institution, le livre abordait le « sens » de la mort protestante, sa relation au romantisme, l’introduction de nouvelles technologies telles que la crémation, les questions de santé publique, d’horticulture, etc. Tous ces thèmes soulèvent des questions importantes sur l’utilisation de l’espace public dans une ville : le cimetière est à la fois un site cérémoniel, accueillant les rites funéraires, mais c’est aussi un lieu naturel pour des activités de loisir. Avec un budget considérable et un accès illimité aux archives du cimetière, Une mort très digne m’a donné la chance d’écrire un « beau livre » bien illustré. À cet égard, j’ai eu l’occasion de collaborer avec le photographe Geoffrey James. Enfin, j’ai pu utiliser le cimetière et ses archives comme site d’enseignement pour mon séminaire sur l’histoire de Montréal. 

A Short History of Quebec

La collaboration avec John Dickinson sur Brève histoire socio-économique du Québec a émergé de notre travail sur Diverse Pasts, mentionné plus tôt. En 1981, le ministère de l’Éducation a établi un programme d’études qui nous a conduits à rédiger ce manuel. Une fois le manuel terminé, nous nous sommes rendu compte que nous avions en réalité la base pour écrire une histoire du Québec pour le grand public. Nous avons donc décidé de le retravailler dans ce sens. A Short History of Quebec a été publié en 1988 et a connu un succès surprenant. Il a été remarqué par Denis Vaugeois – c’est ainsi que nous nous sommes connus – qui l’a fait traduire en français et publier chez Septentrion, sous le titre de Brève histoire socio-économique du Québec.

La rédaction d’un livre de vulgarisation était un défi pour John et moi. John est un spécialiste de l’histoire de la Nouvelle-France et moi, du 19e siècle. Pour ce qui est du 20e siècle au Québec, qui nous était moins familier, nous avons eu beaucoup de plaisir, John et moi, à saisir l’époque à travers nos lectures, nos discussions et nos expériences personnelles. On a donné beaucoup de place à l’histoire des femmes, à l’immigration, au travail et à l’évolution du capitalisme.  

Un aspect important de ce travail a été notre réflexion sur la périodisation. Nous avons choisi de nous éloigner de l’histoire politique et, donc, de la Conquête et de la Confédération, qui sont les points de départ habituels de la plupart des cours d’histoire canadienne. Nous avons choisi de diviser l’histoire du Québec en périodes d’histoire économique et sociale, comme la société préindustrielle, la transition vers le capitalisme industriel, et la modernité.

CV : Diriez-vous que le progressisme de l’Ouest canadien s’inscrit dans votre parcours?


BY : Oui. Avec le temps, je me rends compte que le progressisme de l’Ouest canadien a joué un rôle de base dans ma vie intellectuelle. Mes parents ont déménagé à Toronto lorsque j’étais enfant. J’ai grandi en banlieue de Toronto, mais mes parents, dans leur culture et leur vision du monde, restaient des méthodistes dans la tradition de Winnipeg. Même s’ils ne faisaient pas partie du mouvement, on parlait beaucoup de la Cooperative Commonwealth Federation (CCF) et des personnalités politiques et religieuses de l’Ouest telles que James Woodsworth et Tommy Douglas. Ma première prise de conscience politique s’est faite quand j’étais étudiant à l’Université de Toronto au début des années 60, en travaillant avec la CCF, qui est devenue en 1961 le Nouveau Parti démocratique (NPD). Cette tradition de socialisme de l’Ouest canadien a préparé le terrain pour ma propre critique du capitalisme. Avec mon arrivée à McGill et mon ancrage dans la réalité sociale de Montréal, ma perspective est devenue plus marxiste et plus européenne.

La plupart des historiens et des historiennes de mon entourage se sont tournés vers l’histoire de la classe ouvrière. Pour ma part, j’étais réellement intéressé par l’exercice de l’autorité. Cela m’a conduit à m’intéresser à la bourgeoisie, à Gramsci et à sa notion d’hégémonie. À vrai dire, cet intérêt pour la bourgeoisie donne un fil conducteur à mes recherches, partant de la biographie de Cartier, touchant aux études institutionnelles comme celles du Séminaire de Montréal et du musée McCord, et débouchant sur mes plus récents travaux sur les familles des élites.

Sur ce dernier point, j’ai été grandement influencé par mes collègues du GHM, qui m’ont permis d’élargir mon approche de l’histoire familiale, culturelle et sociale. J’ai essayé de rassembler tous ces éléments dans Patrician Families and the Making of Quebec, une histoire comparative de deux familles d’élite, les McCord et les Taschereau. Dans cette étude de deux familles à travers quatre générations, j’ai pu, en même temps, explorer et aborder les institutions, la culture matérielle, le genre et les systèmes de propriété.

Je suis resté fasciné par le droit et ses ramifications dans les rapports sociaux après la rédaction de mon livre The Politics of Codification. Vu l’importance du sujet, j’ai décidé de ne pas en traiter dans mon Patrician Families (2014) pour l’aborder séparément. Mon sujet actuel porte sur les Taschereau qui, avec trois membres ayant siégé à la Cour suprême du Canada, dont deux comme juges en chef, est la plus importante famille de juristes au pays. Dans cette étude, je prends le droit dans son sens le plus large. Le droit canon, par exemple, m’intéresse pour comprendre l’histoire du mariage, de la famille, et du travail au Québec. Comme jeune prêtre, Elzéar-Alexandre Taschereau a été envoyé à Rome pour y faire un doctorat en droit canon. Devenu archevêque, sa carrière illustre bien le croisement de l’histoire ecclésiastique et industrielle.

Les pressions liées aux contradictions de travailler au sein d’une université néolibérale, où il y a souvent des compromis à faire, peuvent parfois susciter des situations complexes. C’est sûr que le marxisme et la social-démocratie, forces importantes dans les années 70 et 80, ont perdu beaucoup de terrain au sein d’une université comme McGill basée sur la méritocratie. Néanmoins, l’historiographie du Québec a été grandement enrichie par la recherche sur les racines profondes de la race, de la classe, du patriarcat, et de l’oppression sexuelle dans notre société. D’où l’importance de la recherche menée au sein de groupes progressistes comme le Groupe d’histoire de Montréal et le Centre d’histoire des régulations sociales.

CV : Comment vivez-vous le fait d’être un historien du Québec anglophone?

BY : La position d’un historien anglophone travaillant sur le Québec est quelque peu ambivalente. Comme historien anglophone, on m’a est souvent considéré comme « porte-parole » de la minorité anglophone, une communauté pourtant très hétérogène et diverse à travers l’espace québécois. 

Cela dit, bien qu’écrivant en anglais et ayant enseigné dans la plus importante université anglophone au Québec, j’ai toujours eu le soutien de la communauté historienne québécoise. J’ai été reçu avec enthousiasme dans toutes les activités de l’Institut d’histoire de l’Amérique française et du Centre interuniversitaire d’études québécoises. Citons, par exemple, ma participation au Groupe de travail sur l’enseignement de l’histoire en 1996. Le rapport de la commission, dont le président était Jacques Lacoursière, s’est assuré de refléter les diverses approches de l’enseignement de l’histoire du Québec. Plus tard, j’ai été honoré de faire partie du conseil d’administration du FRQSC où j’ai pu être témoin de l’attention portée à l’excellence et à la pertinence sociale des projets de recherche, quelle que soit l’origine ou la langue de la personne candidate. En 2003, j’ai reçu le prix Gérard-Parizeau pour mon travail comme historien du Québec. 

Malgré tout, à un moment donné, ma position face au nationalisme et à son impact sur la vision d’un Québec progressiste, social-démocrate et égalitaire s’est fracturée. Évidemment, le référendum de 1995 en a été la cause la plus flagrante; il a contribué à mon sentiment d’aliénation en tant qu’Anglo-Montréalais. Sans pour autant avoir été pro-Canada, la forme qu’avait pris le nationalisme a érodé mon sentiment d’appartenance. Depuis ce moment, je suis tranquillement devenu un Anglo-Montréalais silencieux, à l’aise dans ma ville mais réticent à m’impliquer dans des débats sur, par exemple, l’enseignement de l’histoire nationale. 

Sans crise réelle et suivant tranquillement le cours des événements, les choses ont évolué pour moi. Après des années passées au sein du conseil d’administration de l’IHAF, j’ai joint le conseil d’administration de Canada’s History Society en 2006. C’est l’année, malgré mes réticences antérieures, où je suis devenu membre de la Société royale du Canada. Et finalement, j’ai passé de plus en plus de temps en France – à l’aise avec l’indifférence des Français.es à mon accent, mes origines et mon métier.

Cory Verbauwhede est étudiant au doctorat à l’UQAM.