Retour sur le lancement du livre Corps suspect, corps déviant

Le 3 avril dernier avait lieu à l’Université d’Ottawa le lancement du collectif intitulé Corps suspect, corps déviant dirigé par Sylvie Frigon, professeure au département de criminologie à la Faculté des sciences sociales de l’Université d’Ottawa et titulaire d’une Chaire de recherche facultaire «Lettres de prisons : ici et ailleurs». Parmi les auteurs, André Cellard et Isabelle Perreault, chercheurs affiliés au CHRS.

CELLARD, André. «L’hippocampéléphantocamelos et autres montres ordinaires de l’aliénation mentale au Québec».

La représentation de la folie qui se dégage [au début du 20e siècle] est donc fortement négative, liée à l’immoralité, au vice, à la faute personnelle […] De monstre de l’immoralité et du vice à monstre tout court, il n’y avait qu’un pas […] Les rumeurs et légendes urbaines du début du 20e siècle sont peuplées d’enfants à deux têtes, de femmes-serpents, sans oublier cet homme à tête de cheval, parfois surnommé l’hippocampéléphantocamelos, enfermé dans la tour de Saint-Jean-de-Dieu […]

Des monstres, il y en eut en effet. Parce que les représentations sociales firent du fou un être immoral, dépravé, responsable de son anormalité, on a imaginé que cette tare honteuse qui affligeait son esprit devait nécessairement laisser son empreinte sur son corps […] Des monstres, il y en eut, parce que la Loi des aliénés les interpellait, concrétisant ainsi par voie législative une image issue de l’imaginaire collectif. Il y en eut, parce que c’est ainsi que l’on traita le corps des aliénés devenu objet de recherche pour la médecine.

PERREAULT, Isabelle. «Esprits troublés et corps déviants : les fonctions de la psychochirurgie à Saint-Jean-de-Dieu, 1948-1956».

Suite à notre analyse des dossiers des patients, nous soutenons que la lobotomie était une thérapie davantage sociale que médicale. Les désordres mentaux sont identifiés par une variété de symptômes qui répondent à un contexte social structurel ou conjoncturel. La grande difficulté de la recherche en psychiatrie est de lier ces gestes déviants à des lésions, à des structures cérébrales ou à des gènes défectueux […] Il faut poursuivre l’histoire des traitements psychiatriques et tenter de cerner les enjeux d’une psychopathologisation croissante des comportements de laquelle découle une intervention elle aussi toujours croissante.

Le livre est disponible aux Éditions du Remue-ménage.